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L'après, l'ici et maintenant
4 juin 2013

Y a-t-il un profil type de la NDE ?

  The Body of Abel Found by Adam and Eve 1826 William Blake Tate William Blake Les collections de la Tate

William Blake

 

 

 

Y a-t-il un profil type de la NDE ?

 

 

 

William Blake

 

 

Le premier réflexe d'un chercheur scientifique, lorsqu'il tombe sur un fait aussi troublant, est de chercher des corrélations. Qui donc a le plus chance de vivre une NDE ? À sa grande surprise, le philosophe-psychiatre Raymond Moody ne trouve rien. Ses premières statistiques sont insuffisantes et sa collecte de cas suspecte, puisqu'il interroge quasiment à la cantonnade, de conférence en conférence et de bouche à oreille. Mais déjà, il tient le bout d'une énigme que, trente ans plus tard, les plus sérieux des chercheurs n'auront toujours pas résolue : la NDE semble aléatoirement distribuée et n'est pas prévisible. On ne peut la corréler à rien. Vous pouvez être homme ou femme, jeune ou vieux, croyant ou athée, accidenté ou cancéreux, ignorant le phénomène ou ayant lu des livres dessus... la probabilité de vivre l'expérience demeure la même. Quelle probabilité ? Le chiffres varieront entre 5% et 50% - pour provisoirement se stabiliser à 18%, en 2001, après l'étude hollandaise de Pim Van Lommel...
Au bout d'environ cent-cinquante cas, Moody décide de baptiser le phénomène Near Death Experience et se lance dans la description du premier profil-type. Celui-ci comporte quinze critères : 1°) Ineffabilité d'une expérience d'extase ; 2°) Sensation d'être mort ; 3°) Paix inouie ; 4°) Bruit impressionnant ; 5°) Sensation de sortir de son corps et de pouvoir se déplacer à volonté avec don d'ubiquité ; 6°) Sensation d'être aspiré dans un tunnel, un gouffre, un vide ; 7°) Apparition d'amis ou de parents décédés ; 8°) Apparition d'une lumière blanche et dorée : 9°) Revue de vie, où toute l'existence de la personne lui revient, en détails : 10°) Impression de se trouver arrêté par une limite, une barrière, une frontière : 11°) Retour dans le corps, généralement ressenti comme “de plusieurs tailles trop petit" ; 12°) Réveil et irruption d'un désir quasi-immédiat de raconter l'irracontable à quelqu'un ; 13°) Interminable questionnement du convalescent, en proie à des obsessions scientifiques et/ou spirituelles ; 14°) Constatation par le rescapé qu'il a changé : disparition de la peur de mourir et certitude d'avoir entrevu un au-delà du monde ; 15°) L'éventuelle vérification de ce que le rescapé a vécu pendant son “absence” (notamment en cas d'arrêt cardiaque) s'avère exact.

 

 

La publication de Life after life provoque un engouement dans le grand public, mais aussi auprès de nombreux jeunes chercheurs, surtout américains. En deux ans s'organise un réseau, d'abord national puis international : l'International association for near death studies (IANDS), où Moody est rejoint par d'autres médecins-psychiatres, des psychologues, des praticiens de divers ordres - tels le cardiologue Michael Sabom (dont le livre Recollection of death (1982) fera d'autant plus d'effet qu'il n'émanera pas d'un psy). Le plus actif des membres d'IANDS est un psycho-sociologue de l'université de Storrs (Connecticut), Kenneth Ring qui, en deux ans trouve deux fois plus de cas que Moody et propose, dans Life at death (1980, éd. Bantam), un nouveau profil type, plus simple, à cinq niveaux : 1°) Le sujet en souffrance se retrouve soudain complètement soulagé, dans une paix jamais connue jusque-là (100% des cas) ;

2°) Il a la sensation de sortir de son corps et se voit lui-même, généralement depuis un coin du plafond - il “lit” dans les pensées des personnes présentes et peut voyager à travers les murs (60% des cas) ; 3°) Un tunnel le happe, où il vit des expériences paradoxales et indescriptibles : il se déplace très vite mais demeure immobile, il n'a plus de corps mais voit et entend, il a chaud/froid mais ne ressent rien (23% des cas) ; 4°) Des parents lui apparaissent, toute sa vie lui revient en mémoire, bientôt la lumière qu'il voit poindre au fond de l'obscurité brille comme des millions de soleils, mais ne lui fait aucun mal (16% des cas) ; 5°) L'entrée dans la lumière semble particulièrement indescriptible, puisqu'elle ressemble à une “matière d'amour et de connaissance” absolue, qui procure un faramineux orgasme, pourtant non sexuel (10 % des cas).

Et pourtant...

 

Pas deux cas identiques

 

Les profils types, avec leurs courbes de Gauss, sont utiles, n'importe quel scientifique vous le dira. Il n'empêche qu'ils sont bâtis à partir de cas particuliers qui, regardés à la loupe, ne se ressemblent nullement. Une étude cas par cas vous révèle qu'il n'y a pas deux NDE vraiment semblables, quoi qu'en disent les statisticiens. L'individu reste unique jusqu'aux limites extrêmes de ses possibilités existentielles.

De l'utilité du profil-type...

Les infirmières d'après 1967-68 ont été grandement aidées par le schéma type de l'agonie selon Elisabeth Kübler-Ross: 1°) le sujet nie qu'il va mourir, ne peut tout simplement pas le concevoir, encore moins l'accepter ; 2°) le sujet réalise l'inéluctable et se révolte contre l'ignominie de son sort (contre son entourage, ses soignants, ses parents, Dieu...) ; 3°) ayant dépensé sa rage impuissante et commencé à raboter les plus évidentes échardes de son ego exacerbé, le sujet marchande chèrement sa fin annoncée : il tiendra jusqu'à une date X, qu'éventuellement il reportera, encore et encore ; 4°) l'hémorragie d'énergie vitale atteignant un seuil rédhibitoire, le sujet entre en deuil de lui-même et déprime, souvent en silence, parfois en se lamentant ; 5°) s'il est humainement soulagé de ses douleurs, écouté dans son besoin d'exprimer ses rêves inassouvis, choyé, dorloté jusqu'à consentir à régresser dans la “matrice onirique” de ses accompagnatrices/teurs, le sujet chanceux connaît la phase ultime de l'acceptation - plus accessibles aux enfants qu'aux adultes, à condition que ces derniers ne dressent pas une muraille de peur entre les petits humains et leur destin : c'est alors que le mourant devient, comme dit Dame Cicely Saunders, un “professeur de vie” - dont les leçons réconfortent ceux qu'il va laisser derrière lui. Voilà pour le profil type.
Dans la réalité, les praticiens des soins palliatifs vous diront que les mourants ne suivent jamais ce beau schéma, mais connaissent plutôt d'incessants aller-retour entre une phase et une autre. La direction générale de la théorie est pourtant suffisamment en rapport avec la réalité de l'agonie pour pouvoir servir de guide aux soignants, sinon facilement perdus dans le labyrinthe de la souffrance d'autrui.

 

De façon très semblable, le schéma type de l'EMA/NDE dessiné par les chercheurs d'IANDS sert de carte d'identification des récits de rescapés. Le bluff n'est pas possible, même si des psychanalystes se sont “amusés” à décrypter certaines NDE selon la grille freudienne, relevant les aspects purement névrotiques des récits spécifiques des rescapés concernés. Rappelons que Sigmund Freud ne développa jamais autant la théorie de son “Thanatos” que celle de son “Eros” : on dira que Freud avait suffisamment à faire avec la maladie sexuelle de l'Occident puritain - écartelé, sous la gouverne des prêtres puis des médecins, entre la maman, la vierge, la putain et le garçon macho ou fétichiste -, pour légitimer sa propre panique (précoce) dès que la question de la mort entrait dans le champ de sa réflexion (qu'on se rappelle les évanouissements de Freud en présence de tiers évoquant le sujet). Le champ psychanalytique est resté assez muet du côté de la fin de vie et toute la communauté psychanalytique s'est figée de ce point de vue dans des balbutiements - renvoyons à ce propos aux études du psychanalyste Didier Dumas, élève de Françoise Dolto et pionnier d'une voie psycho-taoïste, largement présent dans nos dernières recherches (cf. Réapprivoiser la mort , chapitre “Quatre corps en partance” et J'ai mal à mes ancêtres , chapitre “Le retour du non-dit transgénérationnel”).

 

Il n'empêche : contrairement aux premiers rapports popularisés par les scientifiques américains, puis par la littérature populaire et les mass-médias, la NDE ne se présente pas comme un bloc compact et universel. À l'inverse de ce que charrie la version populaire du phénomène, l'influence de la culture dans laquelle le sujet a vécu est indéniable. Même s'il est toujours question d'“obscurité plus obscure que la plus obscures des nuits” et de “lumière d'amour plus vive que des millions de soleils”, chacun y mêle les formes de sa biographie singulière. Les Occidentaux rencontrent facilement des figures christiques. Les Extrême-Orientaux des figures de Boddhisatvas bouddhiques. Les jeunes gens chevauchent des baleines blanches. Ou des arcs-en-ciel. Les formes des voyages les plus extravagants balisent les zones périphériques des échantillons. Beaucoup retrouvent leurs chers disparus, dans des modalités (de couleurs, de musiques, de parfums) propres à leurs histoires singulières.
L'important se joue ailleurs. C'est le résultat à long terme : la vie de la grande majorité des rescapés semble réellement transformée, dans des registres émotionnels très semblables, débouchant sur des visions du monde dont la juxtaposition donne une fresque cohérente - cohérente avec elle-même et, derrière le mur des cultures particulières, cohérente avec l'essentiel des grandes traditions spirituelles du monde.

 

Que l'on se penche sur le Livre tibétain des morts , sur le Livre des morts égyptiens , sur le textes de la Kabbale ou sur les différents Ars Moriendide la chrétienté médiévale, on est frappé par les convergences, confirmant au moins une évidence, pour qui en douterait : les sources d'inspiration de ces traditions puisaient dans des explorations anthropologiques réelles et profondes. Que des modernes coupés de toute pratique religieuse depuis plusieurs générations puissent spontanément retrouver, au cœur d'une unité de soins intensifs d'un grand hôpital du début 21ème siècle, des pans entiers d'une mythologie connue des anciens Tibétains ou Juifs prouve simplement que ces Tibétains, ces Juifs ou ces Égyptiens connaissaient bien la psyché humaine. La psyché poussée jusqu'à ses états extrêmes, dans sa capacité d'extase paradisiaque ou de souffrance infernale.

 

 

 

 

 

 

 

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