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L'après, l'ici et maintenant
25 mars 2012

Les NDE négatives

 

L'enfer de Dante : Damnes pris dans les glaces - 1976

(Huile sur toile 250 x 430 cm) - © ADAPG 

 

                

 

Petit commentaire sur les NDE négatives

 

 

 

 

 

Par Christian Bertrand

 

Dans son livre, « La source noire », Patrice Van Eersel fait le récit d’une NDE négative, celle du Dr Simpson. Suite à un arrêt cardiaque, le Dr Simpson sombre dans un coma profond. Après un moment d’hésitation, étant donné l’âge et l’état du moribond, l’interne tente malgré tout une réanimation, qui contre toute attente, réussit. De retour à la vie, le Dr Simpson, très excité, réclame du papier et un crayon pour noter l’étrange voyage qu’il vient de faire. Après avoir sombré dans le coma, il s’est retrouvé dans un monde terrifiant. Métamorphosé en cube, il était harcelé par des êtres sphériques qui l’incitaient à devenir comme eux ! Il traverse alors des instants de peur panique épouvantables, percevant dans ces étranges sphères ironiques une menace extrême. Bref, un récit de NDE négative somme toute banale... mais la suite est plus surprenante. À peine est-il sorti de son coma que le vieux docteur comprend en un éclair qu’il s’est totalement trompé ! Ces sphères étaient bienveillantes. En aucun cas elles ne s’étaient montrées menaçantes, et ce qu’il avait pris pour de l’ironie n’était qu’un léger amusement devant sa peur ! Après la terreur, les remords.

 

Il existe une maladie extrêmement rare, dont j’ai totalement oublié le nom, qui fait ressentir comme agréables les événements communément admis comme désagréables et comme désagréables ceux qui passent pour plaisants. Par exemple les personnes qui en sont atteintes éprouvent du plaisir à poser leurs mains sur une plaque chauffante brûlante ! ou « à se faire soigner les dents chez le dentiste » ! Réciproquement les caresses les font hurler de douleur ! Bref, ils sont câblés à l’envers.

 

Plus banalement, tout le monde a remarqué que ce qui ravissait les uns en plongeait d’autres dans la consternation. Un match de foot, pour un supporter, est un moment d’extase, et un océan d’ennui accablant pour celui qui déteste le ballon rond. Un même morceau de musique sera une œuvre bouleversante pour certains, et un horrible bruit pour d’autres.

 

Les objets et les événements ne sont pas plaisants ou déplaisants en soi. Il est incorrect de dire que la montagne est belle. La beauté n’est pas dans l’objet, mais dans l’esprit qui le contemple. Prendre ses sensations pour la nature des choses est une forme de confusion mentale. L’adolescent arrogant (et quelques vieux croûtons aussi) qui d’un ton péremptoire décrète que telle musique « c’est de la m.... », ne fait qu’exhiber sa c........

 

L’enfer des uns est le paradis des autres. Cette constatation devrait nous rendre prudents quand nous nous sentons tenter par le prosélytisme. Nous qui grondons nos chiens quand ils se roulent dans la charogne, nous devrions nous interroger sur ce qu’ils peuvent penser de notre manie de nous asperger d’eau de toilette...

 

A ceux qui pourraient me faire remarquer que j’ai tendance à exagérer, et que, en général, les gens n’ont pas sur l’essentiel des goûts aussi disparates que ça, je ferais deux remarques : 1) les généralités et les moyennes ne sont pas des êtres sensibles mais des abstractions, les abstractions n’ayant pas de sensation, elles ne nous intéressent pas ici, et 2) les régularités et les fréquences ne sont que les conséquences de l’adaptation. Inutile de se lancer dans une longue démonstration pour mettre en évidence que les individus friands de fruits et de viande ont plus d’avenir que ceux qui se délectent de la consommation de cailloux.

 

Une fois reconnu que le caractère plaisant ou déplaisant des choses provenait de notre esprit que peut-on en déduire ? Peut-on imaginer qu’un esprit particulièrement habile serait capable de jouir de tout ? Imaginez-vous rongé par le cancer et Heureux ! (je pense à l’histoire de cette vieille femme rapportée par le Dr Oliver Sacks dans « L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau ». La vieille dame se mourait de neurosyphilis, et se sentait... tellement bien qu’elle en venait à redouter autant la guérison que la maladie !). Si la satisfaction et le plaisir étaient sous la dépendance totale de la volonté, si nous pouvions jouir comme nous plions les doigts, combien de temps survivrions-nous ? Pourquoi irions-nous gagner notre pain puisque la faim ne nous torturerait plus jamais ? Pourquoi respirer si un simple mouvement de volonté nous procurait mille fois plus de félicité qu’une goulée d’air ?

 

Maintenant si notre esprit garde toujours cette caractéristique de ne pas pouvoir générer directement ses sensations, que devons-nous attendre d’une éventuelle survie de l’âme ? Qui nous dit que le paradis que l’on nous promet sera à notre goût ? Et l’éternité à laquelle tant de gens semblent aspirer, est-elle si désirable que ça ? Si mon esprit n’est pas modifié il conservera ses biais, et le passage du temps engendrera les mêmes effets. J’aime la musique, mais je constate que le plaisir que j’éprouve à écouter un morceau particulier évolue avec le temps. Au début, il a tendance à s’accroître à chaque nouvelle audition. Puis, au fil des répétitions, il cesse de croître, marque un palier plus ou moins long... pour finir par décliner... inéluctablement. La répétition crée la monotonie, et la monotonie engendre l’ennui. Souvenez-vous du supplice chinois, les premières gouttes d’eau sont plutôt agréables, et puis progressivement, avec la répétition... Or l’éternité n’est pas une grande durée. Aussi immense que vous puissiez imaginer un nombre, il sera toujours plus proche de zéro que de l’infini. Quel plaisir peut résister à une répétition sans fin ? Un plaisir infini ? Mais une sensation peut-elle être infinie ? Le bonheur peut-être plus ou moins grand mais peut-il être infini ? Et si l’éternité transformait le paradis en enfer d’ennui ?

 

Pour ma part je préfère une autre forme d’éternité, celle qui résulte de l’arrêt du temps. Cette idée n’est pas très populaire, elle se rencontre peu dans la littérature (Emile Noël, dans « les portes de thanatos » y consacre quelques lignes). Elle est contre intuitive, à cause de sa proximité avec le néant, grande terreur de la plupart des gens. Je l’illustrerai par une question. Quel effet cela fait-il à un esprit si, au moment de la mort, sa perception subjective du temps s’anéantit plus vite que lui ? Ajoutez à cet ultime flash d’existence une sensation d’euphorie propulsée vers sa butée haute. Voilà un paradis tout à fait convenable (évidemment, si la sensation plonge du côté de l’angoisse, on embarque pour l’enfer...). Avec une éternité préservée de l’ennui. Et accessoirement la solution du problème de la survie de l’esprit à la destruction du cerveau.

 

Voilà bien des spéculations, laissons à la mort le soin de trancher. Mon but n’est pas de vous promener dans les recoins sombres du musée des eschatologies, j’essaie juste de montrer que le « négatif » et le « positif » ne relève pas de l’objectivité, et donc de l’universalité, mais du subjectif, et par conséquent de nos irréductibles individualités. Chacun voit midi à sa porte, le bonheur et le malheur de même. Même les physiciens, que l’on pourrait croire affranchis des brumes de la subjectivité, retrouvent les ombres de la conscience au bout de leurs instruments. Quelque soit notre effort pour saisir le monde tel qu’il est, nous découvrons que nous sommes toujours dans la boucle.

 

 

 

 

 

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  • Ce blog s'adresse à ceux qui s'interrogent sur l'après, la mort, le grand départ. Je fais partie de ceux qui sont morts et sont revenus. Depuis cette expérience, mon appréhension du monde, de l'univers de la réalité est bouleversé.
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