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L'après, l'ici et maintenant
6 mai 2012

L' Expérience du Divin

                       

                                 Carte Blanche - Troupe de danse contemporaine norvégienne 

 

 

                                                   

Pascale Senk est journaliste et écrivain. Elle est l'auteur avec Martin Rubio du livre Échanger sa maison, le nouvel esprit du voyage (Éditions des Équateurs, 2010). 

 

 

               Je ne crois pas en Dieu,
         mais je fais l’expérience du divin

 

 

                       

                      Neige écarlate 1

 

 

Sommes-nous sur le point de devenir des mystiques sauvages ? Tels les Navis bleus d’Avatar, cherchons-nous plus que jamais à nous relier à la Grande Source du vivant ? Et, que nous l’appelions Tao, énergie cosmique, ou Puissance Supérieure comme chez les Alcooliques Anonymes, celle-ci nous semble-t-elle plus accessible qu’un Dieu défini par les dogmes ? A écouter nos contemporains, c’est bien d’une telle évolution qu’il s’agit. Les fervents, comme Christian Bobin : « J’ai trouvé Dieu dans les flaques d’eau, dans le parfum du chèvrefeuille, dans la pureté de certains livres et même chez des athées. Je ne l’ai presque jamais trouvé chez ceux dont c’était le métier d’en parler ». Et ceux qui perçoivent Dieu comme « un asservissement », tel François Barouin, ministre du Budget, qui reconnaît cependant « avoir accès à une certaine espérance sous forme de lumière ».

Avant, le monde se divisait entre ceux qui croyaient et ceux qui ne croyaient pas en Dieu. Aujourd’hui, ce terreau de la croyance est devenu plus fertile mais aussi plus mouvant : nous pouvons bricoler notre credo personnel, en puisant « au choix » dans différentes spiritualités. Aussi le divin ne se résume-il plus au Dieu barbu et tout-puissant qui jusque là vivait dans le ciel, nous adressant cadeaux ou punitions mérités. Son image s’est, pour beaucoup, peu à peu effacée (Frédéric Lenoir en parle bien dans « Dieu », son livre d’entretien avec Marie Drucker, paru chez Robert Laffont en 2011).

Reste l’expérience. La sensation, le plus souvent inattendue, voire inespérée, de se retrouver connecté avec un grand « Autre ». De faire venir le Divin jusqu’à soi. En soi, même.

 

Des ravissements inattendus

 

Ce point de contact, basculement vers une autre dimension de la réalité, peut se rencontrer dans le quotidien le plus banal. Pour Pierre, un moment d’intimité avec son fils nouveau-né l’a amené à percevoir une dimension sacrée qui était jusque là absente de sa vie. « Je ne sais plus ce qui s’est passé. J’ai plongé dans les yeux sombres, encore aveugles de Samuel et j’ai « décollé » intérieurement ». Sabine, la première fois où elle a fait l’amour avec celui qui partage sa vie aujourd’hui, a elle aussi vécu un ravissement sans précédent. Bien loin de l’orgasme vécu comme une « petite mort » selon Georges Bataille, elles se sent soudain étonnamment vivante : « Tout devenait bleu autour de moi, de nous, et lui et moi étions totalement fusionnés et nimbés d’une indéfinissable énergie, pris dans un espace que je n’avais jamais traversé jusque là »

Ce « trip » sans Mescaline qu’un Allen Ginsberg ou un Jack Kerouac auraient sans doute adoré a été qualifié d’extase laïque par le philosophe Michel Hulin qui s’est intéressé au sentiment de l’infini touchant parfois les sujets les moins portés sur le fait religieux. Pour lui, ces expériences simples, toujours spontanées, véritable « défi à la pensée philosophique et religieuse », apparaissent souvent « dans les périodes où les codes se brouillent ». Elles s’immiscent dans nos existences quand nos mécanismes d’adaptation au monde, nos systèmes de pensée pris entre bien et mal, favorable ou défavorable etc, se suspendent soudainement, quand nous « déposons le fardeau » sans même savoir comment. Elles nous laissent alors entrevoir une pure joie non réactive, la joie d’être, dans son essence brute.

L’immersion dans des espaces sauvages, la communion avec la nature sont des conductrices puissantes de telles expériences, et les écrivains – voyants notamment, parce qu’ils approchent l’indicible, y trouvent des sources d’inspiration intarissables. Marguerite Duras, de sa fenêtre des Roches Noires à Trouville d’où elle surplombait l’océan : « Regarder la mer, c’est regarder le Tout ».(cf l’article du poète haïkiste Thierry Cazals)

 

Les fruits d’une recherche

 

Mais ces contacts avec une instance qu’on ne sait nommer peuvent aussi, et plus fréquemment, surgir comme les fruits d’une longue recherche. Nathalie, qui médite régulièrement depuis 7 ans, en témoigne : « Je rencontre le divin dans l’espace que je contacte dans la méditation : Une ouverture du cœur totale et inconditionnelle face à tout ce qui se présente, un même amour pour le chat du voisin, les arbres d’une forêt, une étoile dans le ciel et pour chaque être humain. Pour faire cette expérience, le mental doit se taire car il obstrue le canal vers le divin qui existe en chacun de nous : nous sommes tous des parcelles vivantes de cet amour divin. Quand je suis imprégnée par la lumière de cette conscience, tout est alors d’une grande clarté et d’une grande perfection. Il n’y a rien à changer. C’est une expérience d’unité et d’éternité ».

Pour Catherine, la rencontre avec cette autre dimension est arrivée « de surcroît », à l’insu de longues heures de pratique du Gospel. Au départ, la jeune femme à qui Dieu semblait « trop haut, lointain », se met à pratiquer cet art si fervent simplement « parce que les chants étaient beaux ». Au bout de quelques mois cependant, elle se met à s’intéresser aux textes des chansons. Et se rend compte qu’elle a envie d’être soliste pour « transmettre la force de ses paroles d’âmes seules, abandonnées de tous, qui disent juste « j’ai froid, j’ai peur ». Un jour, pendant un concert, Catherine se rend compte d’un « frémissement dans tout son corps, comme si elle brûlait de l’intérieur ». A la sortie, la jeune femme se sent happée par « autre chose » : « J’ai ressenti une force incroyable, avec l’impression d’être sous une cascade d’eau fraîche ». D’où venait cette énergie ? Qu’est-ce qui l’avait guidée jusque là ? Depuis, Catherine est devenue professeur de Gospel, s’est plongée dans l’étude de cette musique, et anime gratuitement un chœur de trente personnes. Sa vie en a été changée.

 

Les multiples visages du Dieu intérieur

 

Les scientifiques ont beau expliquer ces états par de grandes libérations d’endorphines observables par IRM, on ignore toujours pourquoi de telles expériences peuvent modifier en profondeur les vies de ceux qui y ont accès. Contrairement à Freud, pour qui tout « sentiment océanique » était à interpréter comme une tendance régressive - il n’était guère sensible à la musique non plus ! - le psychiatre Carl Jung a particulièrement étudié ces expériences qu’il appela « numineuses ». Pour lui, elles participent à une vision dynamique de la psyché, dans laquelle un symbole a la « capacité d’animer la vie et de l’entraîner parce qu’il transforme une énergie psychique inconsciente en expérience ». Cette force est uniquement « intérieure ». Comme le conte hindou qui nous explique que Dieu s’est caché dans le cœur de l’homme, l’expérience numineuse vient nous rappeler que le divin part de nous. « Je ne me lasse pas de répéter que ni la loi morale, ni l’idée de dieu, ni une quelconque religion ne s’est jamais saisie de l’homme de l’extérieur, tombant en quelque sorte du ciel, écrivait Jung ; l’homme au contraire, depuis l’origine, porte tout cela en lui ; et c’est d’ailleurs pourquoi, l’extrayant de lui-même, il le recrée sans cesse… La notion de dieu répond à une fonction psychologique absolument nécessaire , de nature irrationnelle, et cette notion n’a rien de commun avec la notion de l’existence de Dieu ».

Pour Jung, ces expériences s’inscrivaient donc dans un processus d’individuation, où le moi tend peu à peu à devenir Soi - Domine donc la possibilité de « faire quelque chose » de ces sensations de libération pour évoluer. Et c’est là sans doute le nouveau paradigme : plutôt qu’opposer ceux qui croient à ceux qui ne croient pas, il dessine un clivage entre ceux qui pensent possible de devenir meilleurs, c’est à dire plus vivants, plus conscients s’ils osent regarder le mystère en face, et ce quel qu’il soit- et ceux qui n’y croient pas. Comme l’écrit joliment la psychanalyste Marie Balmary, « l’homme spirituel croit que croire rend possible de croître ». De même que être cru potentiellement meilleur et guérissable par son thérapeute change totalement la dynamique d’une psychanalyse, n’apercevoir ne serait ce que quelques secondes une autre qualité d’être affleurant à des sensations d’infini et d’éternité, nous laisse espérer qu’il peut y avoir autre chose en nous qu’une « âme étroite ». Et pour beaucoup, Dieu n’a peut être rien à voir dans une telle aventure.

 

http:///www.cles.com

 

                        

                        Neige écarlate 2

 

  

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  • Ce blog s'adresse à ceux qui s'interrogent sur l'après, la mort, le grand départ. Je fais partie de ceux qui sont morts et sont revenus. Depuis cette expérience, mon appréhension du monde, de l'univers de la réalité est bouleversé.
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