Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
L'après, l'ici et maintenant
9 juin 2012

Yannick Noah, Être soi-même...

             

                                                                         Yannick Noah

 

 

 Être soi-même contre vents et marées

 

                   

                                

 

 

 

"La France de Noah" titrait le Nouvel Observateur en décembre 91, au moment de la victoire de l’équipe de France pour la coupe Davis grâce à l’apport énergétique du "Capitaine Noah". Ingratitude du genre humain. Que n’a-t-on entendu dans les médias lorsque les "genoux" de Yannick Noah n’étaient pas à la hauteur de la France ! Commentaires dubitatifs, caustiques, persifleurs. Or, c’est cette humanité qui a séduit dans la personnalité de Yannick Noah : comme chacun, il avait ses moments de faiblesse, ce qui le rendait proche de nous. Lorsqu’on résiste à la robotisation du sport, apparaît alors un rude combat entre l’"avoir" et l’"être"...

Entretien avec un homme qui a une riche vie intérieure.

 

 

Nouvelles Clés : Selon vous, quelle est la part du physique et la part du mental qui interviennent lorsqu’on est un sportif de haut niveau ?

Yannick Noah : C’est difficile de séparer les deux ; l’un ne va pas sans l’autre. Je dirais 100 % de physique, 100 % de mental ! Il y a d’abord la motivation. On se dit : pourquoi on joue ? Parce qu’avant d’arriver dans les meilleurs en fin de carrière, dix ans se sont écoulés où l’on s’entraîne pour arriver au bout d’un rêve. Plus on avance, plus on bâtit ce physique. Mais une fois qu’on a acquis, il faut avant tout une grande force morale. Sans cette force, ce n’est pas possible de faire une carrière dans le sport. Moi, j’étais toujours seul - ma famille était en Afrique - j’avais donc beaucoup de temps.

 

N. C. : Avez-vous une méthode de concentration ?

Y. N. : En fin de carrière, j’ai pratiqué la sophrologie. Cela m’a vraiment intéressé. En fait, c’est parti d’un accident qui m’a occasionné des problèmes aux genoux, et que j’essayais de soigner par des méthodes traditionnelles. J’ai beaucoup voyagé pour essayer de me soigner, parce que cela a duré longtemps. Et puis, un jour j’ai rencontré un sorcier au Cameroun qui m’a guéri en cinq minutes. Ca s’est passé très vite, très simplement. J’étais un peu sceptique, et quand j’ai constaté que je n’avais plus mal du tout aux genoux durant les années qui ont suivi, cela m’a ouvert les yeux. On m’avait parlé du yoga mais j’estimais me connaître suffisamment. C’était un peu idiot. En découvrant la sophrologie, j’ai appris beaucoup de choses sur moi, sur ma façon d’être sur le court, et puis cela a bien entendu débordé sur ma vie personnelle. Mais au départ, les résultats sur le court étaient vraiment flagrants. L’expérience consistait à apprendre à se relaxer, à se retrouver en situation. J’avais des images dans la tête. Des choses médiatiques liées à un sentiment d’injustice. J’avais souvent l’habitude d’avoir le public avec moi, et quand je le sentais hostile, je ne me sentais pas bien. Ou alors une faute d’arbitrage, ou jouer contre quelqu’un que j’aime ou contre quelqu’un que je déteste. Chaque fois je n’arrivais pas à jouer pleinement, à donner le meilleur de moi-même. Or quand je me trouvais dans cet état de relaxation - sans aucune pression extérieure - j’intériorisais ces images. J’avais une réaction physique qui était terrible. J’étais tout d’un coup très, très lourd, je commençais à avoir des couleurs au dos, aux genoux... Grâce à la sophrologie, j’ai appris à retrouver la légèreté, la clarté dans la tête et dans le corps. Ca se passe en quelques secondes. Ensuite on anticipe ce qui se passe sur le court.

 

N. C. : Quand vous parlez d’un adversaire que vous détestez, comment l’entendez-vous ?

Y. N. : C’est une question de personnalité. On est à peu près 400 joueurs de haut niveau, et il y a des gens qu’on aime plus ou moins, avec lesquels on a des atomes crochus ou pas. Et une fois qu’on est sur le cours, il y a une espèce de courant qui s’établit, peu constructif symbolisé par ce vocabulaire guerrier utilisé dans le sport, j’essaye de rejeter cela. Pour moi, ce n’est pas un combat extérieur envers un adversaire, c’est un combat intérieur, personnel.

 

N. C. : Cela ne doit pas être facile de jouer contre un ami. Il doit y avoir un sentiment d’ambivalence.

Y. N. : A partir du moment ou l’adversaire est un ami, on a peur de lui faire mal. C’est là qu’il faut rester maître de soi. C’est dur car il ne faut pas oublier complètement l’autre. C’est ou trop d’amour et quelque part, quand on bat quelqu’un, on lui fait quand même mal un peu psychologiquement. Ou au contraire, on a envie de faire tellement mal qu’on oublie la base du jeu. Pour moi le tennis est un combat personnel qui est lié à ma vie.

 

N. C. : Vous avez réussi à préserver votre identité ?

Y. N. : Ce n’est pas toujours simple mais c’est une lutte perpétuelle. Je me concentre là-dessus.

 

N. C. : A travers des rencontres, vous dites que vous avez été amené à lire des ouvrages de spiritualité.

Y. N. : J’ai lu des livres sur le Bouddhisme, sur le Dalaï Lama. J’ai pu retrouver des émotions que je ressentais en Afrique. On n’a pas d’écrits sur nos traditions. Or j’ai retrouvé dans ces lectures des choses que me racontaient mon grand-père et ma grand-mère pendant mon enfance. Notamment par rapport à cette vision de la mort qui est quelque chose qu’on accepte facilement en Afrique. Mais on n’en parle pas dans des termes aussi précis que dans la religion bouddhiste, tels que la réincarnation, le Karma... C’est plus simple. En fait, ce que je recherchais à travers ces lectures ce sont surtout mes racines africaines, une manière pour moi de comprendre d’où je viens.

 

N. C. : Lors d’une émission de Michel Denisot sur "Canal Plus" : "Mon zénith à moi", vous parliez d’un rêve à propos de votre grand-père. Vous disiez que depuis ce rêve vous n’avez plus eu peur de la mort ?

Y. N. : En fait ce n’étais pas un rêve... mais quand j’en parle ici, bon... J’ai deux cultures, Africaine par mon père, Française par ma mère. J’ai grandi en Afrique. Quand je suis arrivé à 11 ans en France, j’ai été en pension et j’ai bénéficié de la culture française. Il y avait d’un côté des mots que j’entendais dans mon enfance - où sont mes signes - et de l’autre ce cartésianisme occidental. Je suis plutôt rêveur. Je ne crois pas que les gens de ma famille sont "animés", et j’étais un peu sceptique. J’avais besoin de signes pour être complètement d’accord avec cette culture. Par descendance, je suis la réincarnation de mon grand-père, chef de notre village. Je porte son nom : "Noah Bikie papa tara". Noah Bikie signifie : Noah de fer. Quand j’avais huit ans, me grand-père me disait toujours : "Tu sais comment tu t’appelles. Tu sais que moi, je ne mourrai jamais, je serai toujours là". Je disais oui. Quand il est mort, mon père me disait qu’il le voyait le soir, la nuit, qu’il discutait avec lui, qu’il lui donnait des conseils. Mon père est tout à fait normal, mais il y avait quelque chose qui me dérangeait par rapport à cet esprit cartésien qui est ma seconde culture. Néanmoins j’étais un peu ouvert à ces phénomènes. Je me suis brûlé assez grièvement à la jambe. J’ai été soigné par un magnétiseur. Puis, il y a eu ce sorcier qui a guéri mon genou. Mon esprit à commencer à s’ouvrir à autre chose. Donc, un matin, j’ai ressenti une sorte de décharge physique, que j’avais déjà vécue à deux autres reprises. C’était resté très précis dans mon esprit. La première fois, cela s’étais manifesté quand j’avais gagné le match à Roland Garros en 1983. Une sorte de montée de chaleur. La deuxième fois, lorsque j’ai vu mon fils naître. Donc, ce matin-là, vers six heures, je ressens de nouveau cette sensation. Je sens une présence dans la chambre. Je souris. J’entends mon grand-père qui me dit bonjour. Je le vois. "Yanniko" - c’est ainsi qu’il m’appelait - je suis venu te voir. Je suis content si tu peux continuer comme cela. Il faut que tu continues. Moi je vais bien, mais je suis venu voir ce que tu fais". Je ne me retourne pas, je souris et lui dis au revoir. Ce qui, en fait m’avait réveillé, c’était les chiens qui hurlaient à la mort - j’habite à la campagne - ce qui ne leur arrive jamais. Quand je lui ai dis au revoir, les chiens ont cessé de hurler. Il se passe un certain temps. Je regarde mon amie qui étais réveillée et je pense que je lui en parlerais plus tard, au petit déjeuner. Au petit déjeuner, elle me dit : "ton grand-père est venu te voir cette nuit", avant que je ne lui dise quoi que ce soit. Depuis, je l’ai revu une fois. Voilà. Je n’ai pas peur. Je l’ai physiquement vu. En Afrique, tout le monde à plein d’histoires comme celle-là à raconter. C’est naturel. Maintenant que je l’ai vécu moi-même, j’ai envie de croire.

 

N. C. : Depuis, cette expérience qui vous a marqué, vous ne craignez plus la mort ?

Y. N. : Ah, cela m’a aidé. Je n’ai pas peur de la mort en tant que douleur. Quand je dis que je n’ai pas peur de la mort maintenant, c’est qu’il faut se préparer. Il faut préparer les autres, les amis, les gens autour de soi. C’est surtout dur pour ceux qui restent. A la limite, c’est plutôt bien, la mort... oui... non pas qu’il faille absolument aller au-devant, mais quand elle vient, je crois que c’est plutôt bien. Les gens qui l’ont approchée et qui sont revenus ont tendance à le dire aussi.

 

N. C. : Quels sont vos autres centres d’intérêts ?

Y. N. : Je vais très peu au théâtre, très peu au cinéma. J’aime beaucoup tout ce qui touche à la mer. J’aime la voile. J’aime me retrouver au milieu de l’océan. C’est une méditation naturelle. C’est là que je me sens bien... C’est curieux, toutes les lectures spirituelles que j’ai faites, l’ont été en anglais. J’ai vécu cinq ans à New York. Je ne sais pas si c’est parce que la langue est plus imagée, je n’arrive pas à m’expliquer pourquoi, mais quand j’ai des conversations concernant la spiritualité c’est en anglais. Je réalise cela. C’est ma deuxième langue, je m’y sens plus à l’aise. J’ai lu Cioran à une époque de ma vie où j’étais très sceptique. On est plus ou moins ce qu’on lit. J’étais très influencé par ce que je lisais. C’était assez aigre. Ce n’est pas une bonne période. En matière de cinéma, j’apprécie le cinéaste américain Olivier Stone. Ce qui se passe aux USA, c’est tellement confus, embrouillé, j’ai eu l’impression de voir quelqu’un, qui est jeune, et qui a envie de dénoncer. C’est une sorte de modèle. Parce que j’ai le sentiment qu’on s’endort un peu. Je vois des types de mon âge : ils dorment. On dort : je réalise cela par rapport à ma vie, les enfants, ce qu’on fait de la nature, ce qu’on fait de cette terre.

 

N. C. : Etant entendu que le mot n’est pas la chose : prenons un mot galvaudé tel que : la "gloire"...

Y. N. : La "gloire", j’en ai rêvé. Pour moi c’était synonyme de réussite, de bonheur. Le jour où çà m’est arrivé, j’ai pleuré. J’ai commencé à pleurer comme jamais de ma vie je n’avais pleuré, parce que je me suis aperçu ce jour-là que ce n’était rien. Ca a été une grande découverte, et quand j’ai vu tout ce qu’il y avait autour - je ne parle pas des médias, ça va de paire - je n’arrivais pas à trouver une façon positive pour gérer ce succès, pour m’en servir. J’ai eu envie de crever. Parce que c’était mon rêve. Je m’étais battu pour cela, j’avais énormément de sacrifices. Et puis on atteint ce rêve et on rentre à la maison... il y a un vide... énorme ! Parce qu’on s’aperçoit que ce n’est rien, rien du tout. Avec le temps, ce n’est pas tant la "gloire" en soi, mais on a une position, un pouvoir et si l’on sait l’utiliser à bon escient il y a de belles choses à faire, sourire à un gosse, lui signer un autographe. C’est vraiment la chose la plus merveilleuse que je connaisse dans ma situation de "star" !

 

N. C. : Comment fonctionne l’association "Les enfants de la terre" que vous avez créé avec votre mère ?

Y. N. : J’organise des évènements avec maman. On choisit des programmes, des projets précis. On s’occupe de tout. On rassemble l’argent. On n’aime pas trop demander. Je n’aime pas la charité telle qu’elle est perçue ici. Je préfère faire un match. Les gens viennent et ils sont contents d’avoir participé à quelque chose. On travaille également avec des gens de l’hôpital Necker, par exemple. On essaye d’apporter du matériel. Nous venons d’acquérir une maison en Normandie pour que ce soit un peu la maison des "enfants de la terre". Il y aura là des gosses qui nepeuvent pas partir en vacances. Ils pourront jouer au tennis, pêcher... On a un programme d’éducation au Cameroun, mais on veut suivre, ne pas envoyer l’argent comme cela. On organise tout de a jusqu’à z. Ca peut aller d’un programme d’éducation à la vaccination, etc...

 

N. C. : Vous vous déplacez souvent pour les "enfants de la terre" ?

Y. N. : Moi, très peu. C’est ma mère qui se déplace le plus souvent, qui travaille sur le terrain. Moi, j’essaye de faire connaître l’association. Par exemple, on a fait une semaine de tournée avec l’équipe de la Coupe Davis, ce qui a rapporté pas mal d’argent. Je sers un peu de "public relations". C’est là que je me sens utile. Il n’y a pas que des mauvais côtés en ce qui concerne le succès. Au début, je pensais à ma vie privée. Je me sentais agressé, vampirisé. J’ai très peur de cela ! Je me suis senti attaqué, parce que cela arrive soudainement, on est jugé tout le temps, et je n’étais pas préparé. Je l’ai vécu billes en tête, mon numéro de téléphone dans l’annuaire... Ca a duré deux mois et je suis parti à New York parce que la vie n’était plus possible. J’y suis resté de 1983 à 1988. Quand je suis arrivé à New York, c’était la liberté !... par rapport à Yannick Noah. Je pouvais enfin prendre le métro !...

 

N. C. : A New York, vous viviez dans un milieu francophone ou américain ? Comment avez-vous perçu le racisme là-bas ?

Y. N. : Le racisme, je ne le vis pas, je ne le subis pas, ne le touche pas directement. Je ne me sens pas agressé par des réflexions, des situations, mais la souffrance des autres me déchire.

 

N. C. : Sans doute êtes-vous privilégié par votre succès.

Y. N. : Peut-être. Aux USA j’ai vu la souffrance des noirs américains parce que j’étais dedans. Je ne pense pas qu’il y ait un pays plus raciste que les Etats-Unis. Je crois qu’une personne, victime d’une agression raciste - bien sûr c’est la victime - mais la victime c’est "l’autre" aussi. L’agresseur. Je crois à la non violence. Ma mère est blonde aux yeux bleus, mon père est noir. Moi, je ferais plutôt du racisme "anti-connerie". Ce n’est pas un problème, la couleur de la peau. Mais à partir du moment où l’on essaye de s’investir dans un camp ou dans un autre, on est tout de suite mal perçu. Je suis sensible à toute forme de racisme. Je suis allé en Afrique du Sud. C’était une expérience très bizarre. J’en suis reparti en songeant : quel dommage ! par rapport au potentiel, quel gâchis ! Il y aura, hélas, toujours de la violence. Je préfère m’en sortit par une aspiration vers le haut.

 

N. C. : "L’amour" au sens large du terme. Que signifie ce mot pour vous ?

Y. N. : Il n’y a pas d’amour des autres sans amour de soi-même. Cela prend du temps. Ce n’est pas simple. A partir du moment où on a mis le pied à l’étrier, on commence à accepter l’idée que c’est un travail. Il faut y mettre de l’énergie, faire des sacrifices. On peut arriver à quelque chose. J’ai cru longtemps que l’amour, ça vous tombait dessus, un jour comme ça, avec la vie facile. Je suis souvent "tombé amoureux"... Un jour, j’ai lu le livre d’Eric Fromm : "L’art d’aimer", et j’ai compris qu’aimer, cela s’apprend, c’est cela qui est bien. C’est qu’on a quand même une chance. L’amour de la vie, l’amour de ce qu’on fait. J’ai découvert un monde récemment : les vignerons. Des gens qui ont l’amour de la terre. Ah ! c’est tellement simple ! C’est tellement bon. Cela fait vraiment du bien de voir des gens dans les campagnes parler avec d’autant de passion de leur vin, comme moi je peux parler de certains matchs. Il y a la passion qui monte. J’éprouve les mêmes émotions.

 

N. C. : La "Démocratie". On ne sait plus très bien ce que ça veut dire lorsqu’on voit la corruption qui s’étale partout. Qu’en pensez-vous ?

Y. N. : Je crois que les gens baissent les bras. Ils ne se rendent pas compte qu’ils ont le choix, et pas uniquement au niveau de la politique. Ils ont le choix, tout court. Neuf fois sur dix, ils font des choses qu’ils n’ont pas envie de faire. Je ne sais pas d’où ça vient... une espèce de crainte ? Je n’ai jamais vécu cela parce que j’ai été livré à moi-même très jeune. Mes parents m’ont dit : "on te fait confiance, on te laisse carte blanche". C’était un hasard. J’ai toujours eu le choix. Je vis comme j’ai envie de vivre. Mais je vois beaucoup de gens pour qui ce n’est pas le cas. Ils ne pensent même pas qu’ils pourraient. Ils votent et ils ne savent pas pourquoi ils votent. Ils sont nombreux à être un peu ignorants. Mais je refuse de rentrer dans ce débat, être enfermé, récupéré. J’essaye plutôt de faire passer un message écolo.

 

N. C. : De ce côté-là, il y a du boulot !

Y. N. : Je sens qu’on se réveille. Je pense que ma génération va réagir. C’est à nous de parler différemment, avec un peu plus de foi, un retour vers quelque chose de plus spirituel, un peu moins "fric". C’est pour cela que je veux me battre, exister. Parce qu’on doit réagir. C’est nos enfants qui sont concernés. Ce n’est pas dans trois ou quatre générations, c’est ici et maintenant. S’ils ne peuvent plus se baigner dans le lac ou dans une rivière, c’est notre responsabilité.

 

N. C. : Comment ressentez-vous cette crise mondiale que nous vivons ?

Y. N. : Encore une fois, je crois que c’est une crise spirituelle. Je ne ressens pas la "crise" quand je suis en Afrique. Je crois que c’est d’abord un problème occidental, et mondial compte tenu de l’influence de l’économie et du pouvoir de l’Occident. Les gens, les jeunes ne croient plus à rien. Ils rêvent. La télé, la femme, les gosses, le job... Il n’y a plus rien. On a un métier, on rentre à la maison, et on se dit je n’ai rien. Moi, je rentre de Roland Garros, je gagne un match : je n’ai rien, rien par rapport à cette pauvre femme que j’ai rencontré lors d’une visite dans un hôpital au Mozambique, à qui on avait amputé les deux jambes. Elle m’a regardé droit dans les yeux et elle m’a souri. En Afrique on n’a pas peur de la mort. Ils ont la foi. Une petite cure d’humilité... Il faut commencer par éduquer les enfants. La société dans laquelle on vit ne mène à rien. Ce qui est ennuyeux c’est que ceux qui ont droit à la parole sont des gens qui ont plus ou moins réussi, et la réaction normale des gens est de se dire : ah, bien oui, mais lui il s’en fout, il a réussi, il a son pognon, il n’a aucune raison de dire ça. Mais un jour il va falloir qu’on paye toutes les conneries qu’on a pu faire ces dernières années ! Il y a toujours un moment où on passe à la caisse. Je crois qu’on va payer !

 

N. C. : Quels sont vos projets maintenant que vous abandonnez le tennis ?

Y. N. : J’ai envie d’avoir un rythme de vie plus calme pour mes enfants. Etre plus présent. On a une bonne communication. J’ai envie de continuer la musique. Quand j’ai fait "Saga Africa" - c’était un clin d’œil - j’étais un peu timide. La musique représente pour moi un moyen de communication à travers lequel j’ai envie de dire des choses un peu responsables.

 

N. C. : Par rapport à vos sources africaines ?

Y. N. : Oui. Par rapport à ce que je suis, et tout ce qu’on vient d’évoquer. La mélodie, le rythmique ne sont pas le plus important. Je désire me concentrer sur les textes. J’ai envie que les gens soient attirés par l’Afrique. Je suis un enfant de la France - j’y suis complètement accepté - et je suis complètement chez moi au Cameroun. C’est mon quotidien qui est comme ça. Et là, c’est mon potentiel. J’ai envie de rapprocher mes deux cultures. La musique est, pour cela, l’expression idéale.

 

 

 

                     

 

 

Site : www.yannicknoahtour.com

 

Ses livres : 

Noah par Noah, éd. cherche-Midi 
Secret etc..., éd. J’ai Lu

 

L’association "Les enfants de la Terre" : www.enfantsdelaterre.net

 

Son dernier disque : Métisse(s), éd.St George

Propos recueillis par Danielle Lodovici

 

Publicité
Publicité
Commentaires
L'après, l'ici et maintenant
  • Ce blog s'adresse à ceux qui s'interrogent sur l'après, la mort, le grand départ. Je fais partie de ceux qui sont morts et sont revenus. Depuis cette expérience, mon appréhension du monde, de l'univers de la réalité est bouleversé.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Publicité