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L'après, l'ici et maintenant
24 août 2014

Simone Weil

 014 

Photo Kamil Vojnar

 

 

 

Simone Weil,

 

de la pesanteur à la grâce

 

 

 

Simone Weil

Photo: Yann (wikipedia)

 

 

 

Simone Weil, 1909-1943

 

 

Elle était née juive, mais mourut aux portes du christianisme. Elle avait été révolutionnaire, mais sa philosophie fut traditionaliste. Inclassable Simone Weil !

Nietzsche, un temps, pensa régler son compte à saint Paul en le renvoyant dans le grand bataillon des épileptiques (tout le monde, en effet, n'a pas des hallucinations auditives après une chute de cheval sur le chemin de Damas). Il serait tentant d'enrôler Simone Weil dans la brigade très légère des anorexiques, et de se dispenser ainsi de tout effort d'investigation sur une œuvre à bien des égards déconcertante.

Fort heureusement, ce n'est pas à quoi nous invitent les ouvrages qui célèbrent le centième anniversaire de la naissance de la philosophe, à Paris, le 3 février 1909 (1). Au contraire, par-delà leur diversité, chacun s'attache à mettre en évidence la personnalité tourmentée et la pensée complexe de celle qu'Alain, qui fut son professeur à la khâgne du lycée Henri-IV, appelait avec bonheur «la Martienne»(2), et son frère, le grand mathématicien André Weil, «la Trollesse»(3).

Agrégée de philosophie et ouvrière en usine, Juive qui se voulut exclusivement grecque et rejeta l'héritage hébraïque, révolutionnaire aux côtés des anarchistes pendant la guerre civile espagnole, et traditionaliste conservatrice auteur deL'Enracinement, femme d'action éperdue de contemplation, chrétienne au porche de l'Eglise, fascinée par l'Inde ou l'Occitanie cathare, on n'en finirait pas d'énumérer les contradictions de cet être de feu, mort à 34 ans, à Londres, et qui repose au cimetière d'Ashford dans le carré réservé aux catholiques : «Bien entendu, écrit-elle dans cette autobiographie spirituelle qu'est sa Lettre au père Perrin, je savais très bien que ma conception de la vie était chrétienne. C'est pourquoi il ne m'est jamais venu à l'esprit que je pourrais entrer dans le christianisme. J'avais l'impression d'être née à l'intérieur.»(4).

A sa sortie de l'Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm, en 1931, Simone Weil obtient son premier poste de professeur au Puy-en-Velay, où elle s'engage auprès des ouvriers, des paysans et des chômeurs, tout en élaborant les bases d'une philosophie de l'action et du travail, éloignée toutefois de l'orthodoxie marxiste, tant ses vues sur l'URSS sont d'une rare lucidité.

Au-delà de la crise politique, c'est, pour reprendre la formule de sa biographe Christiane Rancé, une véritable «crise de l'esprit»(5) qu'elle voit poindre en ce début des années 30. Refusant de sacrifier à «l'idole sociale», elle approfondira désormais sa vocation compassionnelle : en plus des siennes propres, elle portera les douleurs des esclaves ou des victimes de la force et de la puissance (qu'ils soient ouvriers, coolies, prêtres phalangistes, mineurs républicains, parias ou pouilleux), en gardant les yeux fixés sur la Passion du serviteur souffrant, telle qu'elle lui a été révélée au cours de trois expériences mystiques, au Portugal, en Italie et à l'abbaye de Solesmes.

En Occident, c'est en effet le christianisme qui a recueilli la bonne nouvelle grecque dont Platon a été l'apôtre : l'unité du bien, du beau et du vrai qui, malgré la distance infinie entre Dieu et l'homme, est manifestée par des médiations (puis un Médiateur), lesquelles sont autant de signes de la présence du divin parmi nous. Ailleurs, les textes sacrés de l'Inde, de la Chine ou de l'Egypte, mais également le folklore, les légendes ou les mythes, constituent autant de voies où s'engager dans la quête de la vérité.

La défaite de 1940 pousse Simone Weil sur les routes de l'exode, jusqu'à Marseille où elle participe à la belle aventure des Cahiers du Sud, aux côtés de Jean Ballard et de Joë Bousquet, le reclus de Carcassonne. Elle y publie, sous le pseudonyme anagrammatique d'Emile Novis, quelques-uns de ses textes les plus remarquables, dont L'Iliade ou le poème de la force et En quoi consiste l'inspiration occitanienneAscétique, elle décide de dormir par terre, puisque tant de réfugiés sont privés du confort le plus élémentaire. Désireuse de travailler aux champs, elle trouve également une place d'ouvrière agricole en Ardèche, chez le philosophe catholique Gustave Thibon ; de leur amitié stellaire naîtra La Pesanteur et la Grâce, recueil d'aphorismes et de textes brefs consacrés à l'amour, la beauté, la croix ou Israël - dont elle ne comprend rien du mystère.

Après maintes tergiversations, elle accepte de suivre ses parents à New York, mais, malheureuse à l'idée de rester éloignée du conflit, elle gagne Londres où elle espère continuer à se battre pour la France libre et où elle tente d'intriguer - autant qu'elle en soit capable... - pour se faire parachuter en France, elle dont la brève expérience espagnole s'est soldée par un ébouillantement de la jambe, dû à une maladresse quasi proverbiale. «Cette fille est folle!», s'exclame le général de Gaulle, dont le cabinet lui confie l'élaboration d'un projet politique pour la France.

Epuisée par la tuberculose, mais surtout par les privations alimentaires qu'elle s'inflige pour être en communion avec tous ceux que la guerre éprouve, elle s'éteint le 24 août 1943. «Le salut serait d'aller au lieu pur où les contraires sont un», avait écrit, dans l'un de ses Cahiers, celle que l'absolu seul pouvait rassasier.

 

Rémi Soulié 

 

LE FIGARO.fr

 

Simone Adolphine Weil est née à Paris le 3 février 1909 et morte à Ashford le 24 août 1943 Wikipédia

 

 

 

 

 

 

 

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  • Ce blog s'adresse à ceux qui s'interrogent sur l'après, la mort, le grand départ. Je fais partie de ceux qui sont morts et sont revenus. Depuis cette expérience, mon appréhension du monde, de l'univers de la réalité est bouleversé.
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