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L'après, l'ici et maintenant
25 janvier 2013

Bertrand Chamayou

 

 

                         Bertrand Chamayou

 

 

                Emmanuel Krivine et Bertrand Chamayou en concert à la Chaise-Dieu.   Photo Archives DR

 

 

           "Quand je joue, je m'abandonne comme en transe"

 

Ce pianiste virtuose, qui joue sans partition, parcourt la planète de concert en concert et se donne jusqu’à se sentir dépossédé de son corps. Chaque récital est un tour de force auquel il se prépare avec minutie.

 

 

Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 23 h 40. La salle est pleine à craquer. Debout, le public acclame celui qui, trois heures durant, a enchaîné l’intégrale des « Années de pèlerinage » de Franz Liszt. Trois heures d’un récital de piano pendant lesquelles chaque note était une salve d’adrénaline, chaque silence un souffle, chaque nuance un tourbillon. Tout était simple, limpide, violent. Les spectateurs, encore abasourdis, ont assisté à un concert exceptionnel. Bertrand Chamayou part, puis revient plusieurs fois. L’intensité des applaudissements le ramène brusquement au contact avec le réel. Lui aussi vient de vivre un moment intense, presque de transe. « En concert, je m’abandonne littéralement à la musique, je ressens un plaisir physique incroyable, une forme d’euphorie qui me transporte et me fait perdre tout repère spatio-temporel. » Il se sent encore dépossédé de son corps et doit se concentrer pour ne pas tomber en saluant. Le public quitte la salle. Le pianiste est déjà à ses dédicaces. Il semble à nouveau un garçon ordinaire, attentif. Il est redevenu humain.

Il ne rentre pas chez lui, non. Il sort avec des amis venus l’écouter ce soir-là. Ses passages à Paris sont rares, il ne manque donc aucune occasion de les voir. « Je suis très épicurien. J’ai besoin de me défouler après les concerts, de me nourrir d’une dimension de plaisir extrême pour fournir la substance à mon travail. » Il se couche à 4 heures. La nuit est courte. Le lendemain matin à 8 heures, départ pour Osaka. A 15 heures, heure locale, il rejoint le Kansai Philharmonic Orchestra, dirigé par Augustin Dumay, pour la répétition du « Troisième Concerto pour piano » de Beethoven. A 20 heures, concert public. A 23 h 30, il dîne avec le chef d’orchestre. Encore une nuit courte. Le lendemain soir, il se produit à Tokyo avant de rejoindre la Suisse et le festival de Lucerne.

 

 

 


                  

 

 

AFFAMÉ D’EXPÉRIENCES

 

Bertrand Chamayou donne plus de 120 concerts par an aux quatre coins du globe. Son amour de la musique s’est forgé à Toulouse à l’âge de 7 ans, quand ses parents l’ont inscrit, après l’athlétisme et le vélo, à des leçons particulières de piano. Son talent exceptionnel s’impose immédiatement et, en moins d’un an, il joue mieux que son professeur et entre au conservatoire. Dès lors, le piano devient sa passion.

A 31 ans, il passe plus de la moitié de l’année hors de chez lui, un ancien atelier d’imprimerie revisité en loft dans le IXe arrondissement de Paris : des partitions de musique qui occupent un large mur, un canapé bleu-gris et, en retrait, une cabine acoustique dans la- quelle se trouve son piano à queue Steinway. Virtuose le soir et voyageur le jour, Bertrand Chamayou profite de ses multiples trajets pour écouter les montages de ses prochains disques, répondre à son agent artistique ou lire de nouvelles musiques. Artiste hors du commun, il apprend toujours les œuvres de tête, sans instrument, et ne les joue au clavier que par cœur, sans partition. L’enchaînement des concerts l’oblige parfois à se surpasser en apprenant un nouveau concerto entre deux avions.

Pourquoi accepte-t-il tant de propositions ? Affamé de nouvelles expériences, dévoreur de musique, Bertrand Chamayou vibre aux sensations intenses que procure un concert. Difficile de refuser le plaisir de jouer devant un nouveau public. Il se produit régulièrement devant des enfants malades ou des SDF et les paroles de remerciement qu’il reçoit le touchent bien plus qu’un salaire. Il enchaîne ainsi les concerts à un rythme effréné, sous-estimant parfois le stress, la fatigue et la tension.

 

COMME UNE INTROSPECTION

 

Cette boulimie lui a déjà joué des tours. Il y a quatre ans, un problème nerveux l’a éloigné du piano pendant plusieurs mois. L’annulaire de sa main droite refusait de bouger. « Mes facilités m’ont poussé à dépasser mes limites sans m’en rendre compte. J’ai eu un bug, une maladie de musicien, je n’arrivais plus à jouer. J’ai fait une dépression, j’étais un légume pendant six mois. »

Paradoxalement, ce faux pas s’est révélé salvateur puisque l’artiste y a gagné quelques années de maturité. « En touchant le fond, j’ai eu le temps de prendre du recul. Mon rapport à la musique et à la vie en général est devenu plus beau. Avant cet épisode douloureux, j’étais un pianiste doué ; aujourd’hui, j’ai beaucoup plus d’assurance, moins de complexes et je suis moins timide. » Pour donner un maximum au public, il a pris conscience qu’il ne fallait penser qu’à lui et à son piano en oubliant l’existence de l’auditoire. « Penser à donner aux spectateurs est une forme de séduction qui oblige à se travestir un peu. En récital, lorsque je parviens à m’abandonner et à me sentir seul, c’est là que je suis le meilleur. »

Pour atteindre chaque fois une qualité d’interprétation exceptionnelle, il se livre à un travail mental approfondi, analytique, minutieux, qu’il compare à une introspection. Il avoue prendre plus de plaisir à ce travail personnel qu’à l’exécution en public. Le concert n’est pas pour lui l’aboutissement d’un projet musical, mais une étape importante dans une démarche globale. Le moment le plus intense ? Non pas au piano, mais quand il reconstruit la musique dans sa tête. Jouer une œuvre sur scène lui apporte un plaisir physique, charnel, mais sa représentation mentale lui procure une joie profonde car elle lui fait éprouver l’immensité de la musique. « C’est une véritable quête qui me pousse à toujours me dépasser puisque le but à atteindre s’éloigne dès que l’on s’en rapproche. »

Comment se voit-il dans dix ans ? Difficile à dire. Il aimerait peut-être donner moins de concerts et trouver du temps pour la composition, son autre passion, plutôt que de suivre la carrière d’un virtuose international déjà toute tracée. « On verra dans dix ans si cela aura donné quelque chose de nouveau et d’intéressant. » On a envie de prendre le pari.

 

De Damien Hammouchi

 

 

 


                  

 

 

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  • Ce blog s'adresse à ceux qui s'interrogent sur l'après, la mort, le grand départ. Je fais partie de ceux qui sont morts et sont revenus. Depuis cette expérience, mon appréhension du monde, de l'univers de la réalité est bouleversé.
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