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L'après, l'ici et maintenant
20 avril 2012

La fin du courage avec Cynthia Fleury

Cynthia Fleury :

« C’est en retrouvant le courage d’agir que nous briserons la spirale pessimiste »

 

Selon la philosophe et psychanaliste Cynthia Fleury,

après des années de résignation, la France vivrait une

« révolution des consciences »

                                                                                             ... sans en être pleinement consciente.

 

 

                      La philosophe Cynthia Fleury.

                      J.FOLEY/OPALE/FAYARD

 

 

La philosophe Cynthia Fleury.

Chercheur associé au Centre d'histoire de la philosophie moderne du CNRS, Cynthia Fleury enseigne à l'Institut d'Études Politiques de Paris et à l'American University of Paris. Elle a écrit plusieurs livres, dont Métaphysique de l'imagination (Éditions d'Écarts, 2000), Pretium Doloris (Pauvert, 2002), Dialoguer avec l'Orient (PUF, 2003) et Les Pathologies de la démocratie (Fayard, 2005).

   
 

Face à un avenir incertain, nous semblons résignés, comme si l’inconnu était forcément synonyme du pire. Comment l’expliquez-vous ?

Cynthia Fleury  : L’imaginaire du pire est prégnant déjà parce que nous connaissons un contexte de crises systémiques, qu’elles soient environnementales, financières ou sociales. Mais il y a aussi une donnée comportementale et psychologique : je crois que cette crispation face à l’inconnu trouve en partie son origine dans notre dramatisation systématique de l’échec. 

J’ai souvent l’impression que tout essai qui n’est pas immédiatement couronné de succès ou de reconnaissance sociale est assimilé à un échec. Comme si nous restions hermétiques à l’idée d’apprentissage, de progression. En tant qu’enseignante, je constate par exemple un décalage flagrant entre les étudiants français et leurs homologues étrangers. Nos compatriotes doutent davantage, la fébrilité leur est plus familière. Chez eux, une mauvaise note ou un échec au concours risque de prendre un tour dramatique. C’est d’autant plus surprenant que les jeunes Français sont souvent plus capés !

 

Pensez-vous qu’on puisse endiguer cette spirale pessimiste ?

Tout à fait. Je crois même que nous assistons, sans le savoir, à un début de sursaut. Je le constate notamment lorsque j’analyse les réponses aux questionnaires politiques de certains de mes collègues sociologues, lorsque je scrute ce qu’on appelle la « littérature grise » (réseaux sociaux, forums en ligne) ou encore lorsque j’écoute mes patients. 

Depuis quelques années, j’ai l’impression qu’une révolution des consciences est en marche. Nous sommes arrivés au bout d’un schéma. Je note, çà et là, un refus de s’installer dans la résignation. Seul hic : nous ignorons encore quel viatique utiliser pour agir. Nous ne savons pas encore quels chemins emprunter.

 

Quels pourraient-ils être ?

C’est la vraie question, celle à laquelle nous n’avons pas encore de réponse. Plusieurs voies s’ouvrent à nous : nous pouvons nous impliquer au sein d’institutions classiques, mais délégitimées (les partis, les syndicats, etc.) en vue d’en renouveler les pratiques. La multiplication des primaires en politique ressortit d’ailleurs de cette logique puisque, à terme, elles ont aussi pour objectif de renouveler nos élites politiques. 

Des chemins se dessinent aussi du côté des réseaux sociaux : on a vu, ces derniers mois, leur impact décisif en matière politique (révolutions arabes, les « indignés », etc.). Quelle que soit la voie empruntée, une chose est sûre : c’est en retrouvant le courage d’agir – même modestement – que nous nous détacherons de la spirale pessimiste et que nous restaurerons le sujet et sa puissance d’agir.

 

Pour renouer avec une certaine forme d’optimisme, ne devrions-nous pas aussi nous remémorer nos succès et nos atouts en tant que nation ?

Peut-être. Mais la France se targue d’être capable d’avoir un esprit critique. On se fait un devoir de rappeler régulièrement les « trous noirs » de notre histoire, les méfaits de nos dirigeants, etc. La vocation universaliste française reste, et c’est là sa grandeur, critique. C’est, à certains égards, la preuve d’une certaine maturité intellectuelle. 

Mais il faudrait dépasser ces constats et nous en nourrir pour nos actions à venir. Au lieu de cela, ces critiques nous inhibent et paralysent notre volonté de réforme.

 

Qu’est-ce qui peut, objectivement, nous donner des raisons d’espérer ?

Nous avons plusieurs atouts. Je pense à deux en particulier. À notre taux de fécondité d’abord, qui est l’un des plus hauts d’Europe. Nous qui nourrissons tant de complexes face à l’Allemagne, nous préparons, petit à petit et sans fracas, un bouleversement démographique de taille dans les vingt ans à venir. 

Je pense, par ailleurs, à un autre atout : la qualité de notre réflexion citoyenne, qui nous permet de proposer des alternatives raisonnables, argumentées, susceptibles d’aider le politique et de faire pression sur lui pour qu’il s’efforce de retrouver les marges de manœuvre qu’il a quelque peu délaissées. En somme, la possibilité que le rapport de force ne soit pas nécessairement en défaveur du peuple.

 

 

(1) Auteur de Les Pathologies de la démocratie (2009) et de La Fin du courage (2011).

 RECUEILLI PAR MARIE BOËTON

 

                            
                            Cynthia Fleury : la lâcheté des élites

 

 

                                                                       Couverture du livre La fin du courage
 

                                                                  Auteur : Cynthia Fleury

                                                                  Genre : Documents Essais d'actualité

                                                                  Editeur : Fayard, Paris, France

                                                                  Collection : Essais

                                                                  Sorti le : 03/03/2010

 

Sans jugement moral, Cynthia Fleury se penche sur cette chute de vitalité, ce découragement de soi qui touche les sociétés en général et l'action politique en particulier...

Lâcheté pour les moralistes, défaut libidinal pour les hédonistes ou état dépressif pour les psychanalystes, Cynthia Fleury nous interroge sur cette familière «phase d'épuisement et d'érosion de soi». La philosophe propose, à la manière d'un quadruple remède épicurien, de dédramatiser le mal individuel et tire dans ce brillant essai, la sonnette d'alarme face au manque de courage collectif et politique, auquel «ni les démocraties ni les individus ne résisteront à cet avilissement moral et politique».

Si Cynthia Fleury invite Agamben, Aristote, Montaigne, Sartre et beaucoup d'autres grandes signatures philosophiques à sa table, c'est surtout dans la poésie d'Hugo que la philosophe trouve la lumière légitime pour éclairer son argumentation. «Désespérer, c'est déserter» écrivait le poète, qui avait bien compris que le manque de courage laissait place aux vides : vide de sens, de vérité, de pertinence, d'humanité, d'espoir, et conduisait, in fine, aux vides démocratiques et politiques.

La philosophe pointe en ce brillant essai, le désastre collectif annoncé, s'il ne jaillissait en chacun de nous, un sursaut vital et éthique de retour à une volonté de courage individuel, afin de reconquérir la vertu démocratique. Un essai courageux et libératoire

 

La revue de presse Robert Maggiori - Libération du 8 juillet 2010

On pourrait ne pas être attiré par un titre tel que la Fin du courage, en se disant qu'il n'y a jamais de fin de rien et que rien n'est plus arbitraire que déclarer la fin de quelque chose, du civisme, de la religion, de la famille, de la philosophie, des utopies, de la presse écrite ou du cyclisme. En réalité, le propos de Cynthia Fleury n'est pas d'une Cassandre qui prophétiserait que le courage a disparu. Poursuivant sa réflexion sur les «pathologies de la démocratie», elle veut signifier que, de même qu'on n'identifierait pas la satiété ou le repos si on n'avait jamais connu la faim et la fatigue, de même on ne saurait faire l'épreuve du courage si la décision courageuse, d'un individu ou d'un corps politique, ne s'arrachait de son fond de découragement...
Peut-être voit-on dès lors pourquoi il faut faire de la morale du courage le fondement d'une politique. Il ne s'agit pas seulement d'en appeler au «courage» des gouvernants, ni à faire des voeux pieux pour qu'ils «tiennent un discours vrai» et s'abstiennent de trafiquer, de mettre leurs intérêts privés au-dessus des intérêts publics, de leurrer et de tromper les citoyens. Pour Cynthia Fleury, la démocratie, qui n'est pas «fondée en vérité», ne peut se pérenniser que si elle s'appuie sur le «socle non vicié» du courage, que si le peuple reconquiert le courage de la décision, ou, au moins, «la volonté de ne pas laisser la dégénérescence l'emporter si facilement».

 

 

 

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